Partie I
Qu'est-ce que
l'amour ?
L’amour
avant notre
ère

Dans la culture populaire
On supposait toujours de Mona
qu’elle savait tout de l’amour.

D’une part, parce qu’elle avait développé une fascination pour les comédies romantiques et, d’autre part, car les étagères de sa bibliothèque ressemblaient à un autel dédié aux sentiments et à la passion. Des années avaient été nécessaires pour qu’enfin Mona ose dire ce qu’elle s’était toujours interdit d’avouer : sa définition de l’amour lui était propre et ce qu’elle en savait ne correspondait qu’à son expérience et à sa culture personnelle. Somme toute, Mona n’était qu’un être humain sur plus de sept milliards, elle n’avait rien d’une experte ès Amour.

Vint pourtant le jour où sa curiosité surpassa ses convictions. Sa manière de voir l’Amour avait-elle plus de valeur ou de poids que celle d’un ou d’une autre ? Rien n’était moins sûr. Sa passion déraisonnée devait prendre racine dans quelque chose de concret : il était temps pour Mona de trouver une définition à l’Amour.

Pour enfin mettre le doigt sur ce que pouvait être l’amour dès ses origines, Mona retourna sa bibliothèque de fond en comble et en tira précautionneusement trois livres qui correspondaient, selon elle, à trois périodes de l’histoire qui précédaient son ère.

Elle n’eut qu’à regarder la couverture du premier pour faire revenir à sa mémoire ce qui l’avait marqué lors de la lecture de ce livre-ci. Les Métamorphoses d’Ovide était un ensemble de plusieurs histoires montées sous la forme d’un long poème. Fortement inspiré par L’Iliade et L’Odyssée, on y retrouvait de nombreux mythes dont un qui, aux yeux de Mona, représentait une histoire d’amour qu’elle appréciait tout particulièrement de l’époque hellénistique.

Ce n’était d’ailleurs pas tant le livre en lui-même qui l’avait intéressée que le mythe qui se racontait derrière. Homère en avait été le premier conteur connu, Ovide et ses successeurs s’en étaient inspirés pour produire leurs propres œuvres. Chaque auteur avait produit sa propre interprétation du mythe, mais le sens final ne pouvait qu’être toujours le même.

L’amour fataliste
d’Orphée et Eurydice

Orphée, connu pour avoir été membre des Argonautes, rencontre Eurydice en rentrant d’une expédition et en tombe amoureux. Ils se marient et vivent un temps leur amour. Malheureusement, un jour qu’Eurydice se baigne avec les Naïades, elle est mordue par un serpent et meurt. Accablé par le chagrin, Orphée décide de descendre aux Enfers afin de convaincre Hadès, maître des lieux, de le laisser la ramener dans le monde des vivants. Hadès accepte à la condition que, le temps qu’ils remontent, Orphée n’adresse pas un mot ni un regard à la femme qu’il aime. Il accepte et tend à rejoindre le monde des vivants avec elle.

Mais, alors que la lueur de la surface point, Orphée est pris d’un doute car il ne l’entend pas suivre ses pas et se retourne pour vérifier qu’elle est toujours là.

Les histoires divergent ici. Il est parfois question d’un caprice d’Eurydice qui, déçue de voir qu’il ne la regarde pas, réclame à ce qu’il se retourne pour lui parler ; ou encore, Orphée, heureux de voir la lumière s’émeut à vouloir voir le visage de la femme qu’il aime…

Toujours est-il que dès qu’il se retourne vers elle, il la perd à jamais. Ne reste alors que la peine de l’avoir perdue, avec laquelle il vivra en s’exilant jusqu’à sa mort.

Mona poussa un soupir au souvenir de la fin de l’histoire et jeta un regard amer au bouquin. Des années durant, elle s’était prise à imaginer qu’il n’y avait plus belle manière d’aimer que d’être prêt à braver les enfers pour retrouver sa moitié. Le temps aidant, sa vision avait pourtant étudié cette histoire d’un œil différent. Il était, certes, question d’un amour si fort qu’il en défiait la mort. Mais il était d’autant plus question d’un homme qui cherchait à contredire le sens de la vie. Il y avait la naissance, la vie, puis la mort : un cycle immuable qu’il était impossible de briser.

Pour Mona, qui l’adaptait au contexte de sa vie, le mythe d’Orphée et Eurydice signifiait qu’il fallait parfois regarder droit devant plutôt que de se perdre en chagrin à regretter un amour passé. Il fallait laisser à la fatalité son rôle, sans quoi, comme Orphée, la peine occulterait le reste de son existence. Cette conclusion lui apparaissait d’autant plus juste qu’Orphée avait perdu par deux fois l’être aimé : insister avait causé une perte telle qu’il voua sa vie à pleurer la défunte.

Délaissant Les Métamorphoses, Mona attrapa un deuxième livre qui, à en voir les pages cornées, avait été lu et relu un milliard de fois. Roméo et Juliette –pièce de théâtre écrite par William Shakespeare– représentait une histoire d’amour telle qu’elle en avait toujours rêvé : une romance forte et contrariée. Les traductions et adaptations avaient parfois varié sur le ton ou sur la forme mais le fond, lui, avait toujours cette même saveur qui lui faisait bondir le cœur.

L’amour éperdu
de Roméo et Juliette

Héritiers de deux familles rivales, Roméo et Juliette tombent amoureux l’un de l’autre. Chacun promis à une autre personne, ils se marient pourtant dans l’intimité et sous la bienveillance du Frère Laurent, un homme d’église qui voit au travers de leur amour un moyen de réconcilier les deux familles.

Au cours d’un duel provoqué par le cousin de Juliette, Roméo tue ce dernier et est poussé à l’exil. Après l’établissement d’un stratagème par le Frère Laurent, Juliette fait croire à son suicide en buvant un poison qui la fera passer pour morte le temps d’une journée. Le but étant de fuir sa famille pour rejoindre son amant. Roméo, qui ne connaît rien du plan, apprend la nouvelle et décide de revenir.

Face au corps de Juliette, il boit une fiole de poison –un vrai, cette fois-ci– et attend la mort. C’est le moment que choisit Juliette pour sortir de son sommeil moribond. Impuissante, elle le voit mourir sous ses yeux et décide de se poignarder d’une dague pour le rejoindre dans la mort. Le Frère Laurent les découvre et prévient les familles ennemies, les poussant alors à se réconcilier.

La manière dont était abordé l’amour dans ce récit avait laissé une trace indélébile dans le cœur de Mona lors de sa première lecture de la pièce de théâtre. Il y avait ici une définition forte de l’amour comme l’auteur pouvait l’imaginer à la Renaissance. Pas un seul acte de la pièce n’était exempt de traces de surligneur jaune. Mona avait révéré la romance qui s’y jouait. Avec une excitation contenue, elle ouvrit une page et dévora une réplique de Roméo :

« Des ailes légères de l'amour j'ai volé sur le haut de ces murailles ; car des barrières de pierre ne sauraient interdire l'entrée à l'amour ; et tout ce que l'amour peut faire, l'amour ose le tenter. »
Roméo et Juliette, Acte II, Scène II, W. Shakespeare

Chaque aspect de cette histoire était une ôde à l’amour. La fin n’en avait été que plus poignante pour Mona qui y avait alors compris qu’un amour aussi éperdu ne pouvait qu’être dévastateur pour qui n’en était pas protagoniste. Dévoués à leur affection réciproque, les deux amoureux avaient fait fi du reste de l’univers. Ils avaient outrepassé les griefs familiaux, ils avaient ignoré leurs engagements respectifs, ils s’étaient évadés dans un monde qui n’appartenait qu’à eux.

Cette bulle d’amour, excluant tout le reste, était une belle épreuve. Elle n’en avait pas moins été fatale aux deux tourtereaux. Ce qui avait offert à Mona une donnée qu’elle n’avait jamais oubliée dès lors : l’amour ne devait pas qu’être dévotion pour l’autre, il fallait aussi y inclure tout ce qui forgeait l’existence des deux partis.

Serrant le livre de Shakespeare contre son cœur une seconde, Mona le posa par-dessus celui d’Ovide et s’attarda sur le dernier dans un soupir. Elle y avait songé longuement avant de le sélectionner : la manière dont l’amour était dépeint dedans ressemblait assez peu à ce qu’elle voulait en imaginer. Mais il fallait se faire violence : Madame Bovary avait une vision de l’amour propre à la fin des temps modernes. Gustave Flaubert avait voulu en faire une ôde au réalisme et c’était tout à son honneur.

L’amour fantasmé
de Madame Bovary

Emma Bovary est une fille de paysans. Elle passe sa jeunesse dans un couvent où elle découvre l’amour grâce aux romans de l’époque. Éduquée par ses lectures, elle quitte le couvent une fois adulte et rejoint la demeure familiale. C’est là-bas qu’elle rencontre Charles, médecin timoré mais attachant. Ils se tournent autour un temps puis finissent par se marier.

Emma, éprise de ses récits de jeunesse, déchante à mesure que sa vie conjugale progresse. Loin de l’image qu’elle s’en était fait, sa vie d’épouse la déçoit : les fantasmes qu’elle voyait dans ses lectures ne transparaissent pas dans la réalité de sa vie. L’amour que Charles lui porte a beau être profond, il reste plat. Elle a beau ne manquer de rien, la jeune femme persiste à penser qu’elle n’a rien.

Emma tombe enceinte et le couple déménage. Elle fait alors la rencontre d’un homme dont elle s’éprend et vit une romance platonique avec lui jusqu’à ce qu’il s’en aille pour ses études. S’ensuivent quelque autres relations qu’Emma a dans le dos de son mari. Toujours désireuse de l’image romanesque et clinquante qu’elle se fait de l’amour, elle contracte des dettes et finit par se suicider en voyant qu’elle ne pourra jamais s’en sortir.

De ce récit, Jules de Gaultier en avait fait ressortir le terme de bovarysme, et c’était ce terme précis qui contrariait tant Mona. On appelait bovarysme le fait de se construire à partir de ses lectures et d’être désillusionné par ce que proposait la réalité. Emma Bovary portait à elle seule tout ce que cela incluait : sa vie avec Charles ne l’avait finalement jamais comblée. En cause, sa passion littéraire pour les romans qui dépeignaient une vision de l’amour qu’on pouvait plus facilement rêver qu’espérer. Pour Mona, qui avait grandi en s’accompagnant de toutes sortes d’œuvres où l’amour était le thème central, entendre le mot bovarysme avait de quoi lui donner la chair de poule.

Le bovarysme c’est quoi ?

« Bovarysme ou bovarisme : Affection qui […] consiste à construire sa vision du monde à partir de ses lectures de romans. L'invalidité des univers romanesques à servir de modèles au monde réel entraîne une série de désillusions. Par extension, le terme désigne une pathologie de lecture. »

La Fiction, Christine Montalbetti

A l’instar d’Emma, Mona fantasmait les relations amoureuses à travers le prisme par lequel elle s’était éduquée à l’amour. Il lui avait fallu prendre sur elle pour comprendre que Madame Bovary et le bovarysme avaient quelque chose de parfaitement contrariant parce qu’elle-même se reconnaissait dans la définition qu’on faisait des maux de l’héroïne du roman. Mona était atteinte du bovarysme de l’amour : elle le rêvait comme on ne le voyait qu’au cinéma.

L’Homme s’éduque avec ce qu’il découvre, Mona avait suivi ce procédé. Alors pouvait-on réellement la blâmer pour ça ? Fallait-il sinon blâmer les différentes œuvres qui avaient ouvert le champ des possibles à son esprit rêveur ? Mona voyait l’amour dans les yeux de chacun comme d’autres y voyaient gloire ou prospérité.

L’amour était une perception
personnelle mais disposait
de codes intemporels.

Des trois romans qu’elle avait sortis de leurs étagères, Mona en retenait quelques notions.

Madame Bovary lui avait appris qu’on forgeait sa manière d’aimer et de voir l’amour en fonction de ce que l’on avait la chance de découvrir par son expérience personnelle. Mona avait découvert et appréhendé les codes de l’amour grâce à sa passion pour le romantisme populaire. D’autres le découvraient en observant leurs proches quand d’autres encore le vivaient par expérience vécue après expérience vécue.

Roméo et Juliette avait pointé l’idée que l’amour était un acte passionné et déraisonné qui n’avait pour maître que les protagonistes à l’œuvre. Il ne tenait qu’aux gens amoureux de raisonner cette passion pour qu’elle ne les engloutisse pas.

Quant au mythe d’Orphée et Eurydice, il prouvait qu’aimer n’était parfois destiné qu’à un segment de vie. La rupture ne devait pas être l’antonyme de l’amour : elle n’en était qu’une extension.

L’amour
avant notre
ère

Dans la société

La culture populaire nourrissait la définition de l’amour romantique. Elle évinçait par contre quelques pans plus sociétaux afin de préserver l’imagination de son public. Mona le savait parfaitement. Ruminant contre sa capacité à ne pas pouvoir occulter les points sombres des ères passées, elle soupira et abandonna sa pile de livres pour s’allonger sur son canapé.

Bras derrière la tête, elle compta quelques points important à aborder quand on parlait d’amour et de société dans les époques qui avaient précédées la nôtre.

Début du XIXe siècle : Les agences matrimoniales

On retrace l’origine du concept à bien avant la Grèce antique par le biais du courtage matrimonial. Ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on distingue un véritable boom de ces agences en France.

Destinées à aider leurs clients dans la recherche de leur moitié, les agences se rémunèrent avec un pourcentage de la dot des futurs mariés. Entourées d’une aura de pudeur, les agences ne sont pourtant pas si mal perçues par une frange de la population de par le détachement opéré entre l’Église et la société dès 1789.

Premier point :
Le mariage

Quand on demandait à Mona ce qu’elle imaginait du mariage, on la voyait rêveuse, sourire en coin. Elle passait alors quelques minutes à expliquer que l’amour romantique et la vie de couple formaient un mariage heureux.

C’était une vision qu’elle avait fait mûrir longtemps et qu’elle estimait juste. Alors, dès qu’on abordait le Code Napoléon, on pouvait apercevoir des contractions nerveuses apparaître autour de ses lèvres.

Mais qu’avait pu être le Code Napoléon pour la mettre dans un tel état ?

Le 21 mars 1804, le Code Napoléon est promulgué. Il couvre tout un tas de domaines mais l’un d’eux à une grande tendance à énerver Mona : le mariage. Tout un Titre y est dédié et, en le lisant, on ne peut nier qu’en son temps Napoléon et son administration avaient peu d’égard pour la gent féminine.

« Je n'apprécie pas les femmes qui se mêlent de politique. »
Napoléon à la veuve de Condorcet

Dans ce code, le mariage est réduit à sa qualité contractuelle et l’on y apprend que lors d’un mariage, la femme passe de la tutelle de son père à celle de son mari. Exit, donc, le romantisme de la demande de la main pour répondre à la frénésie d’un amour pur. Avec le Code Napoléon, parler d’amour n’a que peu de sens quand on prend en considération qu’il est une nécessité plus qu’un choix que d’être mariée lorsque l’on est une femme. Le Code Napoléon n’invente pourtant rien. Il ne fait que poser sur papier des préceptes qui passent à travers les âges. Être une femme, avant notre ère, c’est avant tout être la mère, la sœur ou l’épouse d’un homme.

Tout en pestant contre ce fichu code, Mona fit revenir à sa mémoire un article qu’elle avait pu lire des années plus tôt sur Internet. Frédéric Mariez, anthropologue spécialisé dans le matriarcat, rappelait alors que, jusqu’en 1910, « Le devoir conjugal [était] une obligation, et qu’il n’exist[ait] pas de viol entre époux. » Une manière assez désagréable pour elle de mettre en exergue la vision du mariage comme un procédé et pas comme la suite logique d’une relation romantique.

Bien heureusement pour Mona, le terrible Code Napoléon n’était pas l’un des sujets de prédilection des gens elle qui elle bavassait.

Deuxième point : Le célibat

Pour Mona –célibataire qui laissait sa vie amoureuse faire des allées et venues selon ses envies– se renseigner sur la manière dont on percevait le célibat par le passé avait été une occupation qui l’avait encore contrariée. À croire que ses croyances en l’amour romantique ne pouvaient qu’être une succession de révélations désagréables !

De fait, si un mariage légitimait le pouvoir de l’homme sur sa femme, sa sœur ou sa fille, on pouvait légitimement se poser la question du rôle des célibataires dans ces époques révolues. Le milliard de lectures de Mona avait encore une fois nourri sa contrariété…

Mais de quelle manière pouvait être vu le célibat par le passé pour la contrarier autant ?

Dans un premier temps, il était question des considérations de l’Église qui avaient un grand rôle à jouer dans cet avis populaire des célibataires. Du Moyen Âge à l’époque moderne, la religion eut une place centrale dans la vie des citoyens. De par son rôle que lui accordait l’État dirigeant, son règne se maintenait et c’était sa manière de percevoir le mariage et le célibat qui régentait.

« Le célibat consacré (dans les ordres religieux), qui suppose la virginité, devient l’état le plus respectable. »
Le grand livre de l’égalité femmes-hommes, V. Pascal et C. Sexton

Il y avait donc deux mesures. Le célibat religieux : révéré et acceptable ; et le célibat par choix : mal perçu et accablé de reproches.

Jean-Claude Bologne, historien ayant principalement écrit sur l’histoire des mœurs, définissait d’ailleurs le célibat ainsi : « Depuis l’Antiquité, le célibataire est celui qui refuse de participer à la vie de la cité et au renouvellement des générations. […] Celui qui ne crée pas sa propre famille reste donc à charge de la sienne et du monde qui l’entoure. » Le doute n’était donc pas permis quant au poids qui pouvait peser sur les épaules des célibataires au regard de la société.

XXe siècle : Les petites annonces

Particulièrement liées au courtage matrimonial, le concept des petites annonces de rencontre explose au XXe siècle sous l’influence britannique. Profitant de l’image des agences qui faiblit, la presse matrimoniale s’impose dans le paysage français.

Publiées dans la presse matrimoniale puis, plus généralement, dans la presse grand public, on reconnaît un style très particulier à ces petites annonces. Il s’agit d’un texte court qui permet au publieur de se présenter puis d’annoncer sa recherche et ses attentes. Toujours succinct, le texte est, d’après François de Singly, un premier pas dans la séduction de l’autre.

Une distinction était aussi faite entre les sexes. Chez l’homme, le célibat était pris avec une légèreté relative. Après tout, l’homme n’avait pas le foyer à charge. Il pouvait être perçu comme un électron libre ou, dans le pire des cas, comme un hédoniste à la recherche d’une nouvelle forme de jouissance.

Chez la femme, le ton était moins amusé.

« [Les femmes sont] censées passer de la tutelle d’un père à celle d’un mari, celles qui en sont émancipées sont donc, évidemment, des femmes de mauvaise vie. »
Le grand livre de l’égalité femmes-hommes, V. Pascal et C. Sexton

Et c’était précisément ce dernier aspect qui faisait poindre une boule de frustration dans la gorge de Mona.

Troisième point : La femme

Il y avait le mariage : la femme appartenait à son mari ou à son père.

Il y avait le célibat : un homme célibataire était accepté, une femme ne l’était pas.

Le féminisme était l’une des valeurs que Mona tentait à adopter pour correspondre à ses idéaux personnels. Loin d’être frivole, le terme accompagnait une véritable lutte des sexes. Les exemples que donnait l’Histoire de France étaient loin d’être glorieux pour Mona qui déchantait à mesure qu’elle remplaçait le romantisme de ses bouquins par la réalité des faits. La société avait fait de la femme un objet. On ne pouvait qu’imaginer pour les couples hétéronormés que l’ascendance de l’homme était un élément de nuisance à l’amour romantique.

Mais quelle pouvait être la raison de ce rapport inégal entre les hommes et les femmes ?

On peut remonter jusqu’à l’Antiquité pour trouver les premières traces d’inégalités entre les sexes. L’Histoire nous apprend qu’il est question pour la femme d’être l’élément central de la procréation et de l’entretien du foyer familial. On apprend aussi que la religion a joué un grand rôle dans cet écart entre les sexes.

Dans leur œuvre Le grand livre de l’égalité femmes-hommes, Valérie Pascal et Catherine Sexton nous indiquent qu’un bon nombre de religions reconnues comme les religions judéo-chrétiennes, l’islam ou encore l’hindouisme et le bouddhisme laissent une place de soumise aux femmes.

« La Bible et sa vision du rôle de la femme dans les sociétés basées sur le christianisme ont certainement influencé les rapports hommes-femmes pour des siècles et des siècles… non encore révolus ! »
Le grand livre de l’égalité femmes-hommes, V. Pascal et C. Sexton

Évoquer ce dernier point peinait Mona. Comment pouvait-on créer des histoires profondes au romantisme fou dans des époques où la vision du couple était aussi inégale ? Soupirant à pleins poumons, Mona se releva de son canapé et se frotta le menton. Elle ne trouverait pas la réponse par elle-même. En trouver une n’était d’ailleurs pas ce dont elle avait besoin. Il y avait un avant et il fallait absolument le laisser dans le passé. Les sociétés passées n’avaient accordé que peu de crédit aux femmes. La société actuelle avait-elle changé la donne ?

L’amour
maintenant

La perception de l’amour de nos jours
Comment est perçu l’amour de nos jours ?

Passion, confiance, partage… sont autant de mots qui révèlent les différences de perception entre chacun de nos interviewés lorsqu’on leur demande de définir l’amour en un seul mot. Si ceci est volontairement réducteur, nous cherchions à définir les mots qui se cachent derrière l’amour afin de saisir les différentes nuances qu’il comporte chez chacun de nous. L’amour est un sentiment universel qui possède pourtant différentes colorations dont chacun y apporte sa teinte. C’est ce qui en fait toute sa richesse et probablement aussi toute son idéalisation à travers les âges et à travers ses multiples représentations.

« L’amour comme le reste n’est qu’une façon de voir et de sentir. C’est un point de vue un peu plus élevé, un peu plus large ; on y découvre des perspectives infinies et des horizons sans bornes. » nous dit Flaubert dans ses Pensées. Nous ressentons tous le sentiment amoureux mais chacun le façonne à sa manière.

©dan_cretu
Peut-on dire qu’il existe une fracture ou un décalage entre l’amour vécu par la génération précédente et notre génération ?

Nous avons interrogé Brenda Boukris, coach en séduction et en développement personnel, sur l’impact des changements sociétaux sur notre manière de construire une relation. Pour elle, « aujourd’hui on prend, on jette et on passe au suivant, il n’y a plus cette logique d’essayer de réparer ce qu’on avait. Un mariage sur cinq finit en divorce parce qu’on ne prend plus le temps de construire ou de reconstruire ce qui a été abîmé par le temps. On consomme et on ne construit plus. »

Pour François, 60 ans, l’augmentation du taux de divorce n’est pas lié à un changement de nature de nos relations, les collectionneurs de relations amoureuses ayant toujours existé. La cause, pour lui, réside dans un changement sociétal plus profond. Nous ne sommes plus en recherche de stabilité financière et familiale mais désormais en quête de sens. Le consumérisme ambiant n’aurait donc pas déteint sur la qualité de nos relations, bien au contraire, nous serions devenus plus exigeants. Notre génération aime et désire autant et aussi bien que celle d’avant.

Christophe Giraud s’est intéressé à ce sujet dans son livre, L’amour réaliste, dans lequel il suit différentes jeunes femmes de 18 à 25 ans. Il constate un changement dans les relations amoureuses, les jeunes femmes veulent « prendre leur temps, s’amuser, vivre des expériences, être libre ».

Il explique qu’être amoureux et vivre une histoire d’amour sérieuse est « une injonction socialement construite de la jeunesse moderne ». Les livres, les films et les médias montrent des schémas amoureux que les jeunes, vierges de toute expérience amoureuse, reproduisent. Notre comportement et nos pensées dans nos premières relations amoureuses sont souvent empruntes de tout ce qu’on a lu, vu ou entendu dans des œuvres ou dans notre entourage. Plus tard, notre expérience personnelle nous permettra de nous affranchir de ces schémas mentaux véhiculés par ce qui nous entoure et le concret remplacera l’abstrait.

« Ce qui a changé c’est la façon que l’on a de se rencontrer parce que nos manières de communiquer ont changé. »
François au sujet des rencontres
Comment sait-on que l’on est amoureux ?
©dan_cretu

Nous avons interrogé de nombreuses personnes pour essayer d’apporter plus de précision à ce qui entoure le sentiment amoureux. Le fil conducteur qui se retrouve chez Laurence (55 ans), Laura (30 ans) et Richard (24 ans), c’est un manque omniprésent et une sensation d’évidence. Les enquêtés mettent également en lumière le fait qu’on ne sait pas qu’on est amoureux, on le ressent.

Selon nos enquêtés, ressentir un manque intense pour l’autre est signe d’un sentiment amoureux, il apparaît pendant l’absence de l’autre et dans son attente.

Dans Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes l’exprime ainsi :

« Suis-je amoureux ?
– Oui, puisque j’attends. L’autre, lui, n’attend jamais. Parfois, je veux jouer à celui qui n’attend pas ; j’essaye de m’occuper ailleurs, d’arriver en retard ; mais à ce jeu, je perds toujours : quoi que je fasse, je me retrouve désœuvré, exact, voire en avance. L’identité fatale de l’amoureux n’est rien d’autre que : je suis celui qui attend. »

F&S :
« Quand on vous parle d’amour, quel est le premier mot qui vous vient en tête ? »
« Confiance, car on va potentiellement être avec la personne pour toute sa vie. »
Laura, 30 ans
« Passion, parce que l'amour est censé être passionné et unique. »
F.G., 27 ans
« Partage. Acceptation de l'autre dans tout ce qu'il est et tout ce qu'il représente. »
Charlotte, 29 ans
« Quand deux personnes se font confiance et qu’elles sont inséparables, elles sont amoureuses. »
Hugo, 10 ans
La banalisation de l’amour au profit du sexe

Peut-on parler des évolutions de nos relations amoureuses sans parler de notre rapport à la sexualité ?

Mai 68 a été le théâtre d’une forme de libération sexuelle et a définitivement marqué le tournant d’une nouvelle ère sexuelle et amoureuse. Pendant ce mouvement social français le plus important du XXe siècle, on pouvait lire de nombreux slogans sur les devantures d’universités comme la célèbre phrase « Faites l’amour, pas la guerre » empruntée au mouvement hippie nord-américain qui, à l’origine, était un message contestataire face à la guerre qui faisait rage au Vietnam.

À la fin des années 70, la libération sexuelle s’installe en France. Dorénavant, avoir une sexualité libérée n’est plus considéré comme un acte militant mais se démocratise dans la vie intime des Français. À cette époque, la société française est bousculée par de nombreux mouvements sociaux qui font notablement évoluer notre rapport au sexe et achève la transition du sexe procréatif vers la banalisation du sexe récréatif.

Quelques années plus tard, en 1975, Simone Veil présentera devant l’Assemblée nationale la loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), symbole de l’émancipation de la femme et de sa liberté sexuelle face au patriarcat. Dans le même temps, le monde fait face à sa plus grande urgence sanitaire. De nombreuses personnes sont atteintes d’une maladie encore inconnue. Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle est sexuellement transmissible. Les campagnes pour le préservatif envahissent les rues et la sexualité libérée est appréhendée avec la peur d’attraper le SIDA.

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Si les hommes ont socialement toujours dissocié sexe et amour, les années 70 ont redistribué les cartes entre les genres. Les femmes ont développé une sexualité exempte de sentiments, sans avoir une volonté de relation sérieuse. L’âge du premier rapport sexuel a baissé à partir de 1968 et s’est stabilisé depuis autour de 17 ans en moyenne. L’écart existant entre l’âge chez un homme et celui chez une femme s’est également résorbé (source : ined). C’est à partir de cette période que l’injonction « pas de sexe avant le mariage » s’est transformée en « t’as 18 ans et t’es encore vierge, vraiment ? ».

« Les jeunes générations nous surprennent parfois en ce qu’elles diffèrent de nous ; nous les avons nous-mêmes élevées de façon différente de celle dont nous l’avons été. Mais cette jeunesse est courageuse, capable d’enthousiasme et de sacrifices comme les autres. Sachons lui faire confiance pour conserver à la vie sa valeur suprême. »
Discours sur le droit à l’IVG, Simone Veil, 1974
©dan_cretu

Aujourd’hui, notre génération découvre la sexualité par le prisme de la pornographie, qui agit comme un mode d’emploi. De la même manière que, lors d’une première relation amoureuse, on applique des schémas mentaux imprégnés de tout ce qu’on a pu voir ou entendre sur comment il faut se comporter et ce qu’il faut tolérer ou non, les premières expériences sexuelles se baseront, elles aussi, sur des schémas visuels considérés comme « ce qu’il faut faire ».

Le corps est devenu un lieu de jouissance, pour s’imposer comme la nouvelle finalité de la sexualité. Nous avons l’impression d’être plus libérés qu’avant, de ne plus avoir d’autorité qui nous dicte notre comportement mais le sommes-nous vraiment ? Ne sommes-nous pas finalement régis par une autorité moins visible puisqu’intériorisée ?

Thérèse Hargot, sexologue, explique dans son livre Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque), que « la sexualité adolescente “normale” consiste désormais à multiplier et diversifier les expériences sexuelles. Au contraire, la virginité est décriée et les ingénus méprisés par leurs pairs. Mais en passant d’un extrême à un autre, on a seulement changé la perspective. La manière d’appréhender la sexualité, elle, reste la même : normative. Qu’est-ce qui est normal ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Qu’est-ce qu’il faut faire ou ne pas faire ? Le souci de se conformer à la norme est et reste prégnant au-delà des nouveaux comportements. Pourquoi ? Tout simplement parce que la norme rassure. »

« En passant d’un extrême à un autre, on a seulement changé la perspective. La manière d’appréhender la sexualité, elle, reste la même : normative. »
Une jeunesse sexuellement libérée (ou presque), Thérèse Hargot
Une pression sociale

Si le célibat n’est plus considéré comme une tare mais comme un gage de liberté et d’indépendance, il n’en reste pas moins que le statut de célibataire reste une phase transitoire entre une ancienne relation amoureuse et une nouvelle. Nous sommes envahis d’images de couples heureux puisque, comme nous le précise Charlotte, 29 ans, « l’amour, c’est vendeur ».

De nombreuses émissions télévisées basent leur concept sur la rencontre amoureuse et raflent à coup sûr un audimat conséquent. L’Île de la tentation, L’amour est dans le pré et plus récemment les émissions de télé-réalité comme Les Princes et les Princesses de l’amour ou encore La Villa des cœurs brisés sont autant d’émissions dont le concept repose uniquement sur la rencontre amoureuse. Pour F.G., 27 ans, ces émissions « apportent une version exagérée de l’amour en donnant l’impression que tomber amoureux est facile ». Ces émissions réunissent tous les ingrédients nécessaires à une belle histoire d’amour à rebondissements : des hommes et des femmes qui cherchent l’amour, de la compétition qui provoque des cris et des larmes et, à la clé, des cœurs brisés auxquels s’identifier et des couples qui s’unissent pour faire rêver le téléspectateur. Tout y est réuni pour qu’on ait l’impression d’assister à la formation d’une relation amoureuse passionnelle.

On en oublierait presque l’aspect surjoué et quelque peu artificiel. Selon Charlotte, « les médias véhiculent l’image que, si on ne trouve pas l’amour, si on est seul, on est voué à être malheureux ». En effet, les personnes finissant ces émissions seules sont dépeintes comme les malheureux perdants et, à l’inverse, les couples partant main dans la main avec un large sourire sont représentés comme les heureux gagnants d’un jeu dont on ne connaissait pas bien les règles si ce n’est de trouver l’amour.

« Les médias véhiculent l'image que, si on ne trouve pas l'amour, si on est seul, on est voué à être malheureux. »
Charlotte à propos des émissions TV
©dan_cretu

L’avènement des réseaux sociaux a également contribué à enrichir ce cercle d’influence et à resserrer encore un peu plus l’étau autour du célibataire espérant trouver l’amour. Sur Instagram, les influenceurs en couple usent et abusent du hashtag #relationshipgoals pour dévoiler le bonheur qu’ils partagent avec leur moitié. Pour Claire, « sur Instagram, toutes les influenceuses montrent leur copain comme si c’était un accessoire ou une déco sympa. Le reflet de ces relations est complètement artificiel. Elles ne montrent que les bons côtés parce que c’est ce que l’audience a envie de voir ». Ce hashtag comptabilise 11,4 millions de publications dont la plupart sont des images de couples amoureux s’embrassant à la rosée du matin, des annonces d’heureux événements ou encore des demandes en mariage, de quoi réaliser un parfait conte de fées virtuel. Instagram apparaît comme une réalité édulcorée qui fait rêver sur l’écran puisque tout y semble parfait.

Un accomplissement personnel

Les réseaux sociaux sont un savant mélange entre des personnes ayant une certaine notoriété et notre entourage qui, finalement, imite les mêmes visuels d’une réalité décidément très photogénique. Pour Jeffrey, 27 ans, ces couples qui publient des photos d’eux « partagent un bonheur qui devrait rester du domaine du privé ».

Nous pouvons nous interroger sur la raison de ces publications où l’on met en scène notre couple dès lors que seulement deux personnes sont concernées. Pour Brenda, coach en séduction, « les réseaux sociaux se sont immiscés dans notre intimité. Il y a comme une double vie, la personne qu’on est sur les réseaux sociaux et la personne qu’on est vraiment ».

©dan_cretu

Il y a cette envie de recréer les images qu’on a déjà vues comme pour dire aux autres : « Ma vie aussi est incroyable ! » Nous construisons de toutes pièces un miroir de notre personne dont nous apprécions le reflet. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi vous publiez ou partagez certains moments de votre vie sur les réseaux sociaux ? Ces moments sont généralement ciblés, nous capturons des moments où nous vivons quelque chose d’extraordinaire : un voyage, un moment de fierté, un concert ou encore un selfie de vous et votre moitié avec un sobre cœur dessiné à côté parce que c’est si précieux d’avoir trouvé l’amour.

Qui dit société capitaliste dit forcément forte inclinaison pour le paraître. Il nous semble important de montrer aux autres que nous avons réussi pour se rassurer et se valoriser. Si Laurence « préfère le vivre que de le partager », pour beaucoup il est tout aussi important de le partager, de se montrer en train de le vivre.

Le cas
Invisible Girlfriend

Certaines entreprises n’hésitent pas à exploiter cette tendance, comme la société américaine Invisible Girlfriend (existe également pour l’autre sexe) où l’utilisateur est amené à créer de toutes pièces sa petite amie parfaite. On lui demande de choisir son prénom, ses centres d’intérêts, ses qualités et défauts et également sa photo. Pour plus de réalisme, l’entreprise Invisible Girlfriend propose à ses visiteurs de leur envoyer des photos d’eux afin qu’elles puissent être proposées à ceux qui créent leur petite amie idéale.

Une fois créée, la petite amie idéale vous envoie des messages et vous pourrez développer des conversations avec elle tout en gardant le fil conducteur que vous aurez décidé à sa création. Par exemple, elle pourra faire des références au bar de votre première rencontre que vous aurez renseigné au préalable dans la plateforme. Un scénario bien ficelé et une petite amie plus vraie que nature vous permettront d’avoir l’impression d’être en couple (virtuellement du moins) sans les inconvénients. Ce service n’est pas sans rappeler le film Her, où le personnage principal dépressif, incarné par Joaquin Phoenix, s’éprend de son système d’exploitation à la voix féminine, à la seule différence qu’avec Invisible Girlfriend il ne s’agit pas d’une intelligence artificielle dialoguant avec quelqu’un puisque ce sont des humains.

Sur son site Internet, l’entreprise déclare « aider les gens à éviter les stigmatisations sociales du célibat en leur donnant des preuves crédibles qu’ils sont en couple (alors qu’ils ne le sont pas) ». Les fondateurs d’Invisible Girlfriend veulent aider leurs utilisateurs à être eux-mêmes, à laisser tomber leurs barrières et à se laisser aller à un flirt virtuel sans engagement. Dorénavant, les entreprises basant leur concept sur des interactions virtuelles entre utilisateurs sont légions, mais d’où vient cette propension à discuter aussi naturellement en ligne ?

À partir de quand avons-nous fait du numérique le médiateur de nos discussions ?
L’amour
maintenant

Les prémices de l’amour en ligne
Depuis bien longtemps, les français utilisent des moyens les sortant de leur vie quotidienne pour communiquer et trouver l’amour…
1980

Lancement
expérimental
du Minitel

Lancement
expérimental
du Minitel

« Le Minitel ou Médium Interactif par Numérisation d’Information téléphonique se définit comme étant un mode de communication télématique. Son développement a été optimisé par le groupe France Télécom. » (minitel.fr)

Gretel et la messagerie en ligne
1981
©Publicité papier Sharp

Service expérimental lancé à Strasbourg, Gretel est le tout premier service de messagerie en temps réel. C’est à travers lui que débute le grand bond des discussions en ligne.

1982
Lancement du Minitel au grand public
Lancement du Minitel au grand public

Le Minitel devient un produit courant dans les foyers français. On voit alors émerger différents services de messagerie en ligne dont le phénomène très célèbre du Minitel rose. En omettant le côté érotique de la chose, le Minitel rose et les messageries instantanées permettent de se rencontrer via un canal encore inédit : les écrans interposés.

1994
Ouverture d’Internet au grand public

« Internet est le réseau informatique mondial qui rend accessible au public des services divers et variés comme le courrier électronique et le World Wide Web (plus couramment appelé Web). Techniquement, Internet se définit comme le réseau public mondial utilisant le protocole de communication IP (Internet Protocole). » (cognix-systems.com)

Dans la même veine que le Minitel, l’utilisation d’Internet requiert une connexion de l’ordinateur à la ligne téléphonique. Ses possibilité sont, par contre, bien plus grandes et intéressantes que celles du Minitel. Il devient possible de communiquer à travers le monde entier en temps réel, notamment grâce aux messageries, aux forums ou encore aux IRC.

2000
©tonyfutura
Démocratisation
d’Internet dans
les foyers français
Création de Meetic
par Marc Simoncini
2001

Suivant l’initiative américaine Easyflirt, Meetic est lancé : un site de rencontre destiné à trouver l’amour de manière sérieuse. La communication est alors la clé de voûte de tout le procédé : échanger avec l’autre puis le ou la rencontrer et, peut-être, trouver l’amour de sa vie.

« Aux Etats-Unis, c'est déjà un véritable phénomène de société. Tout le monde en parle. Et comme il y a 14 millions de célibataires qui veulent se marier en France, ça va bientôt nous tomber dessus ! Bilan, Meetic c'est du béton. »
Marc Simoncini au sujet de Meetic
Explosion des sites
de rencontre sur le web
2009
©FailunFailunMefailun

Il faut attendre quelques années et la pérennisation du concept des sites de rencontre pour que d’autres acteurs se développent. On compte parmi eux bon nombre de sites se spécialisant dans certains critères comme la religion, les passions ou encore les préférences physiques…

2012
Lire la vidéo
Fin du minitel
2012
Développement massif
des applications
de rencontre
©mehmetgeren

C’est dès 2010 qu’on entend parler des sites web mobiles grâce à l’explosion du Responsive Design. Le smartphone devenant un produit courant dans les foyers français, le web mobile devient une nécessité. Peu à peu les sites Internet font du Responsive leur cheval de bataille et se prennent à adapter leurs plateformes pour une utilisation mobile. Les sites de rencontre font alors partie du lot et sortent leur épingle du jeu pour fournir de quoi contenter leurs utilisateurs.

Le Responsive c’est quoi ?

Procédé permettant d’adapter le contenu d’un site à différentes taille d’écrans.

Il faut pourtant attendre 2012 pour que les applications de dating se démocratisent. Notamment grâce à Tinder, l’une des premières figures d’applications de rencontre utilisées par les Français.

L’application, en plus de donner un nouveau souffle aux rencontres en ligne, offre de nouvelles perspectives en termes d’innovation technique. Commence alors une nouvelle ère dans les rencontres par écrans interposés.

L’amour
maintenant

L’amour fantasmé

C’est en lisant ces mots que Morgane Ortin a eu envie de créer Amours Solitaires.

Amours Solitaires c’est un compte Instagram qui réunit plus de 400 000 personnes autour de messages d’amour reçus ou envoyés à quelqu’un. Les messages y sont anonymes et asexués. La fondatrice, Morgane Ortin, souhaite rendre aux mots d’amour leurs lettres de noblesse. Elle tente de remettre au goût du jour le romantisme de l’épistolaire qui a disparu ces dernières années, la faute, entre autres, à l’avènement de la communication par messages instantanés.

« Le discours amoureux est aujourd'hui d'une extrême solitude. Ce discours est peut-être parlé par des milliers de sujets (qui le sait ?), mais il n'est soutenu par personne ; il est complètement abandonné des langages environnants : ou ignoré, ou déprécié, ou moqué par eux, coupé non seulement du pouvoir, mais aussi de ses mécanismes. »

Ce compte Instagram est fédérateur puisqu’il rassemble autour d’émotions. Les émotions sont universelles, elles n’ont pas de couleur, d’odeur, d’origine ni de sexe. Elles rassemblent parce qu’elles touchent de manière unilatérale.

En dessous de certains messages, on peut lire des commentaires de personnes déplorant n’avoir jamais reçu ce genre de message et vouloir à tout prix en recevoir un jour comme s’il s’agissait d’un objectif de vie. Les messages, aussi beaux soient-ils, nous renvoient vers notre propre condition et provoquent ce sentiment presque malsain d’envie. Ces commentaires mettent en lumière la solitude et le désespoir de ceux qui rêvent d’une relation passionnelle et qui, par ricochet, fantasment l’amour.

En instrumentalisant l’amour entre deux personnes, on nourrit cette envie de relation merveilleuse comme un concept plus qu’une rencontre en elle-même. On fantasme la relation et on la voit comme une finalité et un objectif ultime. Si les autres l’ont alors je le veux aussi : l’amour est objectivé comme s’il fallait le posséder pour être pleinement accompli.

Pour Morgane Ortin, « le paradoxe de notre société est que nous n’avons jamais été si connectés et pourtant nous avons de plus en plus de mal à parler, à exprimer nos sentiments aux autres, à communiquer sur ce que nous ressentons ». Son projet, Amours Solitaires, tend à libérer la parole, remettre au goût du jour le sentiment pur et brut car, finalement, il est libérateur. Elle tente d’œuvrer pour le droit à la sensibilité dans une société où l’on nous apprend à ne pas trop nous livrer de peur de paraître faible.

®Amours solitaires
« Je t’aime est dans ma tête, mais je l’emprisonne derrière mes lèvres. »
Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes
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